mercredi 3 septembre 2008

Mercredi 03 septembre 2218

A peine levé, j'allumai mon pc. J'avais un peu trop mangé la veille si bien que, avant même d'avoir complètement émergé de mon sommeil, j'eus une furieuse envie d'aller aux toilettes. Je répondis à cette envie sans attendre, juste le temps de charger mon Ipaper des nouvelles du jour.

Faute de renouvellement, la vie politique était désespérément morne, les mêmes scénarios se rejouaient sempiternellement. Paradoxalement , le peuple était plutôt satisfait de cet état de fait, il savait que la prospérité était due davantage à la pilule qu'aux dirigeants du pays et, du moment qu'on ne la remettait pas en cause, il se fichait bien d'avoir l'un ou l'autre des deux principaux partis au pouvoir. Ainsi, les deux têtes de listes rivales, tous les duodécennats, s'échangeaient leurs rôles de dirigeant et de de leader de l'opposition.

Les débats étaient toujours les mêmes, comme celui de la peine de mort anticipée, appelée pudiquement peine de non prolongement de vie. La Droite et la Gauche s'opposaient traditionnellement sur la question: les délinquants doivent ils avoir accès à la pilule? Les premiers s'appuyaient sur le modèle américain qui interdisait la pilule aux auteurs de crimes de sang ainsi qu'aux pédophiles. La Gauche estimait, quant à elle, que tout homme devait avoir le choix de son temps de vie. Il n'y avait pas un foyer dans lequel le débat ne faisait pas rage. Il divisait les familles, les amis, les collègues de travail, car tout le monde savait que l'arrêt de la pilule signifiait une sénilité et une morte relativement rapides. L'on pouvait donc légitimement parler de peine de mort.

Le débat sur le prolongement de vie des délinquants avait pris énormément d'ampleur depuis les attentats de septembre 2101 qui avaient causé la mort de près de la moitié de la population de Washington et transformé la capitale fédérale de l'Union des Etats d'Amérique en no man's land où toute vie était désormais impossible. Les services de renseignement américains, forts de leur expérience de 2001 pensaient avoir tout prévu et tout vu: l'espace aériens était étroitement surveillé, tout avion s'écartant du plan de vol était systématiquement abattu, l'entrée sur le territoire américain était strictement limité et les accès aux zones dites à risques, la Maison Blanche, les centrales nucléaires et les centres urbains soigneusement contrôlés. Mais si la sécurité américaine disposait de moyens considérables, l'imagination des terroristes l'était malheureusement tout autant, ainsi que leur goût pour les anniversaires.

Le 11 septembre 2101, cent ans après les attentats du World Trade Center, ils disposèrent dans la ville de Washington des sources radioactives qui très vite contaminèrent une grande partie de la population. La méthode était moins télégénique mais tout aussi efficace. Il fallut plus d'une semaine aux autorités pour comprendre ce qui se passait. L'on pensa au début à une contamination de l'eau mais l'on se rendit compte par la suite que les plantes, le sol, l'air lui même, étaient devenus toxiques. Le temps que l'on trouve où les sources avaient été dissimulées, la moitié de la population avait déjà commencé à périr lentement, douloureusement. Le président avait été lui aussi touché, une des sources avait été enterrée non loin de la Maison Blanche. Les plus faibles et les plus exposés moururent dès les premiers jours de leucémies foudroyantes, les plus résistants entamèrent quant à eux, une longue agonie. Les scientifiques estimèrent à plus de trois siècles le temps qu'il faudrait pour que la radioactivité revienne à un niveau normal, ils prévoyaient aussi que pendant au moins cent ans des gens continueraient de mourir de leucémies ou de cancer, sans parler des conséquences sur les naissances et la croissance des enfants. Il fallait s'attendre aussi à un nombre beaucoup plus élevé de malformations et de fausses couches.

Washington fut déclarée ville morte. On recouvra la ville d'une structure de verre de plus de deux mètres d'épaisseur afin que le monde puisse contempler et se souvenir à jamais de l'horreur que le pays avait vécue. Une immense croix noire dominait le dôme principal qui recouvrait la Maison Blanche. Elle semblait faire involontairement écho à la souris noire qui trônait sur une structure identique, et qui accueillait les bras ouverts les visiteurs à Disneyland. L'on avait en effet fait appel aux mêmes architectes, spécialisés dans la construction de méga dômes, qui avaient conçu celui du parc de loisir situé à quelques centaines de kilomètres de là. La population restante fut déplacée et hébergée dans les villes environnantes grâce à un immense élan de solidarité de la population. Celle ci, à l'issu d'un vote, décida que le Nebraska abriterait désormais la demeure des présidents du pays. On la rebattit à l'identique mais dans le marbre le plus noir qu'il était possible de trouver. La Maison Blanche devint ainsi la Maison Noire aux sinistres allures de mausolée. L'on décida aussi que c'était désormais la seule couleur que porteraient désormais les serviteurs de l'Etats.

Bref, plus que jamais, la sécurité et le traitement de la délinquance étaient au centre des politiques gouvernementales. Le terroriste et par extension le délinquant étaient devenus la dernière entrave à la prospérité et à la sérénité des états.

J'arrivais à la page de politique étrangère. L'Iran et le Moyen Orient. La communauté internationale tentait en effet de faire respecter le Traité de Non Prolifération des Exo Squelettes par l'Iran suspectée de faire usage de cette technologie à des fins militaires.

En 2153, l'Iran, s'estimant menacée par Israël, avait lancé un missile à tête nucléaire afin de le rayer définitivement de la carte et de ses préoccupations. Israël essaya de faire dévier le missile pour qu'il s'abîme en mer. Mais la manœuvre échoua et le missile vint s'écraser en Jordanie, touchant à la fois une partie de l'Iraq, de l'Arabie Saoudite, de la Syrie et d'Israël. Unis dans la douleur, les cinq pays décidèrent de former un Grand Moyen Orient afin de pacifier durablement la zone et de faire rempart aux tentatives de déstabilisations de l'Iran. Ils n'eurent pas à faire longtemps pression sur la communauté internationale pour obtenir le démantèlement des installations nucléaires iraniennes que l'AIEA, dans sa grande naïveté avait autorisées en 2009.

Dépossédée de la technologie du nucléaire, l'Iran se lança dans le développement de celle des exo squelettes. Très vite, les services de renseignements étrangers découvrirent qu'elle avait décidé de doter tous ses hommes valides d'exo squelettes modifiés afin de constituer une armée dont chaque individu serait un véritable arsenal militaire vivant. Bien évidemment, les dirigeant iraniens tentèrent d'expliquer que ces exo squelettes ne servaient qu'à des activités de BTP ou d'ingénierie mais plus personne n'était dupe. L'histoire semblait se répéter inlassablement. Mais un certains nombre d'états comme l'Union Américaine, la Chine et l'Inde semblaient décidés à ne pas laisser faire les choses une fois de plus. Le traité de Non Prolifération qu'on tentait d'imposer à l'Iran ne leur suffisait plus, ils estimaient que la négociation avait montré ses limites et que seule la dissuasion était efficace. En d'autres termes, ils contestaient eux même le traité et souhaitaient s'équiper à leur tour d'exo squelettes militarisés. Les 43 états membres de l'Union Européenne et le Grand Moyen Orient étaient farouchement opposés à cette remise en cause du traité, ils tentaient de convaincre les autres pays signataires de ne pas céder à la pression sino américaine.

Paradoxalement ces nouvelles avaient un effet positif sur mon moral de même que sur celui du reste de la population. Ce n'était pas par cynisme, la pilule nous avait libéré de l'angoisse de la mort mais une autre angoisse avait pris sa place: celle de l'ennui. En ces temps de désespérante stabilité tout évènement marquant, qu'il fût positif ou négatif était accueilli favorablement.

C'est donc le coeur léger que je partis travailler.

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